Monastère des dominicaines de Lourdes

 

La Nativité du Seigneur

Il est né de la Vierge Marie
La Nativité selon saint Matthieu

 

Lecture

Livre de la généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham. Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères. Juda engendra Pharès et Zara de Thamar, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram […]. Eléazar engendra Mathan, Mathan engendra Jacob, Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ. […] Or la naissance de Jésus arriva ainsi. Sa mère, Marie, fiancée à Joseph, se trouva enceinte par la vertu du Saint Esprit avant qu’ils eussent habité ensemble. Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer, résolut de la renvoyer secrètement. Comme il y pensait, voici qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe et dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ton épouse, car ce qui est né en elle est du Saint-Esprit ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 1-21).

Méditation

Né de Marie

« […] Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, que l’on appelle Christ » : ainsi se clôture la généalogie selon saint Matthieu. Nous avons entendu trente-neuf fois « engendra », mais le moule se casse la quarantième fois : Joseph n’a pas engendré Jésus, comme nous l’attendions.
De plus Jésus est né de Marie. Quatre femmes sont mentionnées dans la généalogie, mais d’aucune il n’est dit que son fils naquit d’elle. C’est l’engendrement qui est au premier plan : Judas engendra Pharès et Zara de Thamar, Salmon engendra Booz de Rahab, Booz engendra Jobed de Ruth, David engendra Salomon de la femme d’Urie.
Jésus naît donc de Marie sans être engendré comme l’a été la longue lignée de ses ancêtres, et comme l’est tout être humain. Pourquoi cette exception à ce qui est la règle de l’humanité ? Aussi haut est le ciel au dessus de la terre, aussi hautes sont les pensées de Dieu au dessus des nôtres. Mais pourtant il est possible de creuser le sens des mots humains qui nous annoncent la bonne nouvelle.
On peut remarquer que l’engendrement, s’il communique l’appartenance à la race humaine, n’est pas une simple transmission de la nature humaine, comme les animaux transmettent à leur progéniture leur nature, de chien, de chat, etc. On ne dit pas d’ailleurs que les animaux engendrent leur progéniture. Engendrer est le propre de l’homme, car engendrer ne conduit pas simplement à la continuation de l’espèce mais à la venue à l’existence d’une personne, de quelqu’un qui peut dire : « Je ». Remarquons encore qu’engendrer est un terme qui ne s’emploie que pour les hommes, non pour les femmes.
Il est donc évident que pour l’évangéliste, Jésus n’a pas Joseph pour père, qu’il a Marie pour mère, et que, de plus, il n’est pas un homme comme les autres : son « Je » n’est pas celui d’un homme.
Jésus est le couronnement et la perfection du peuple élu et plus précisément de la lignée de David, comme le donne à penser le chiffre quarante, chiffre de la plénitude. Mais pourtant avec lui nous sommes en présence d’une totale nouveauté : « il naquit d’une femme ». Nous le proclamons chaque fois que nous disons le Credo : « il est né de la Vierge Marie », car c’est une bonne nouvelle inouïe qui nous est annoncée.
La généalogie de Matthieu nous plonge dans la stupéfaction. Dire de Jésus qu’ « il est né de Marie » dépasse tout ce que nous pouvons concevoir : pas de père, une mère, pas de « Je » humain ! Qui est donc celui qui est né de Marie ?

Il ne faut pas s’arrêter au verset 17, mais lire le chapitre 1 jusqu’à la fin pour voir apparaître la solution de l’énigme. Car Jésus a bel et bien été engendré. « Voici comment », nous dit Matthieu (Mt 1, 18). Il se propose justement de répondre à la question qui a surgi à la lecture des versets 1-17. Il devait bien se douter que cette question viendrait à l’esprit de son lecteur !

Enceinte du fait du Saint-Esprit

« Marie se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint » (v. 18). Cette affirmation dit simplement qu’un enfant est présent en Marie et qu’elle le portera pendant neuf mois — de sa conception à sa mise au monde ; mais cette grossesse est l’action de l’Esprit. L’ange expliquera à Joseph que c’est la prophétie d’Isaïe qui trouve là son accomplissement : « la Vierge concevra » (Is 7, 14). La conception est bien réelle : c’est un enfant qui est formé dans le sein de Marie, un enfant qui se développera dans le sein de sa mère comme les autres enfants. Mais cette conception ne s’est pas faite selon le mode habituel : c’est le Saint-Esprit qui l’a rendue possible, hors des lois de la nature humaine. « Il a été conçu du Saint-Esprit », chante le Credo. Mais rien n’est encore dit de l’engendrement.
Marie est donc la mère de Jésus : Matthieu le dit en toutes lettres (v. 18). Il nous dit aussi qu’elle était fiancée à Joseph quand Jésus fut engendré (v 18), alors qu’il venait de nous dire qu’elle était son épouse. Elle était donc épouse quand Jésus est né, mais simplement fiancée quand Jésus a été engendré. La première pensée qui vient à l’esprit est celle de l’adultère : Joseph n’a pas manqué de se la poser — « avant qu’ils eussent mené vie commune » ; « sans qu’il l’eût connue » —, surtout que Marie était déjà devenue son épouse quand il s’est aperçu de la présence de l’enfant à naître. Il pense donc à répudier Marie, « sans bruit », précise Matthieu. Il aurait pu, en effet, en fidèle observateur de la Loi, demander sa lapidation ; c’était la démarche normale, et Jésus sera confronté lui-même à une femme adultère que les Pharisiens voulaient lapider (Jn 8, 1-11). Mais Joseph était bon, il estimait et il aimait Marie : il ne l’a pas jugée, même si un soupçon — légitime — a effleuré son esprit. Il voulait donc simplement la répudier en secret.
Dire que Marie est enceinte par le fait de l’Esprit ne veut pas dire que l’Esprit a engendré Jésus. Matthieu en vient donc au mystère de l’engendrement qui est l’affirmation centrale.

Engendré par le Père, en son humanité

Révélation dans un songe

Il n’était donc pas possible que Joseph puisse savoir ce qui s’était passé. Dieu lui-même lui révèle le mystère de l’engendrement de Jésus : là était bien la question.
Aujourd’hui, nous sommes surpris de l’apparition de « l’Ange du Seigneur » au cours d’un songe. L’Ange du Seigneur, c’est une manifestation de Dieu lui-même dans la Bible. Mais des esprits rationnels, pour qui le contact avec le monde invisible ne peut relever que de l’imaginaire, risquent de taxer cette parole de mise en forme littéraire, de croyances d’un autre âge. Nous risquons de récuser un peu vite tout contact avec le monde de Dieu autrement qu’au travers de la raison. Pourtant les saints sont là pour nous dire qu’ils en ont fait l’expérience, à commencer par saint Dominique, et la tradition a perduré jusqu’en plein vingtième siècle. Pourquoi Joseph n’aurait-il pas pu recevoir des grâces qui sont accordées aux saints ? Pourquoi voudrait-on contraindre les saints de l’évangile à justifier une approche purement critique de l’Ecriture en en faisant des saints qui ne peuvent pas être comme les autres ? On nous dira qu’une révélation faite au cours d’un songe est un procédé littéraire utilisé dans la Bible. Il est évident qu’on l’y retrouve maintes fois. Mais si Dieu avait de la suite dans les idées, et une pédagogie fidèle à elle-même ? Là encore il suffit de regarder les saints. Si l’on se cantonne aux moniales dominicaines, on retrouve des phénomènes extraordinaires semblables, quel que soit le siècle, et ce n’est pourtant pas purement copie littéraire !!! Il s’agit d’une expérience spirituelle authentique qui se reproduit au fil des siècles dans une même famille religieuse.
Il est donc préférable de croire tout simplement ce que nous dit Matthieu : l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui explique le mystère de l’engendrement de Jésus. Matthieu mérite peut-être au moins autant de crédit qu’un exégète…

Le mystère de l’engendrement de Jésus

Lorsqu’il avait énoncé les faits, Matthieu avait dit : « Voici comment Jésus fut engendré…» (v. 18). L’explication donnée par l’Ange à Joseph est rapportée en des termes qui nous éclairent un peu plus sur l’engendrement mystérieux de Jésus : « Ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1, 20).
Ce n’est pas le Saint-Esprit qui a engendré Jésus en prenant la place d’un père humain ; Jésus a été engendré sans père. Et toute la tradition l’affirme : celui qui est engendré par le Père sans mère en sa divinité, a été engendré sans père en son humanité. Mais l’Esprit Saint seul pouvait rendre possible un engendrement qui n’est pas conforme aux lois de la nature : l’engendrement de celui qui pardonne les péchés, du propre Fils de Dieu. En effet, un engendrement humain, a pour terme une personne humaine, donc une créature : voilà pourquoi Joseph ne pouvait pas engendrer le Fils de Dieu, donc Dieu. L’engendrement du Fils de Dieu ne pouvait être autre que son engendrement éternel par le Père ; aussi Dieu dit dans le Psaume deuxième, en parlant de la venue dans la chair de son Fils : « Aujourd’hui je t’ai engendré ». Le Père engendre le Fils dans la nature humaine. Et le mystère d’engendrement du Fils se fait par l’Esprit.
On comprend dès lors que la virginité de Marie n’est pas le fruit d’une quête de merveilleux ; elle ne relève pas non plus du mépris du mariage, comme certains ont pu le penser. Mais la présence de la virginité à la source de l’incarnation du Fils manifeste à quel point Dieu a de respect pour la vérité de l’engendrement humain qui ne peut avoir Dieu pour terme.
L’Esprit avait déjà rendu possible des naissances qui ne pouvaient pas avoir lieu selon les lois de la nature : comment un homme âgé de cent ans comme Abraham, pouvait-il encore engendrer un fils, et qui plus est, d’une femme très âgée elle aussi ? Mais ce qui est accompli en Marie est infiniment plus : car c’est Dieu qui est engendré d’elle. Pour Abraham, l’engendrement se fait selon les lois de la nature, même si la réalisation dépasse les lois de la nature : il s’agit d’un miracle. Mais pour Jésus, l’engendrement n’est pas un engendrement humain : il ne s’agit pas d’un miracle ; c’est la foi au mystère de notre Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, en qui nous sommes plongés le jour de notre baptême, qui est en cause.
De toute éternité, l’engendrement du Fils par le Père se fait dans l’Esprit, l’engendrement du Fils en Marie se fait aussi dans et par l’Esprit. Nous percevons, à travers l’engendrement mystérieux de Jésus en Marie, quelque chose du mystère de la Trinité.

Conclusion

L’origine divine de Jésus est clairement affirmée : il vient de l’Esprit Saint, il est l’engendré du Père, il n’est pas une créature, même s’il est totalement homme. Il nous faut donc tenir la double affirmation de notre foi : il est d’origine divine et il est totalement homme par sa mère. « Vrai Dieu et vrai homme », dira le concile de Chalcédoine. Et nous ne devons pas oublier la finalité du mystère que nous venons de contempler : le Fils de Dieu est venu en Marie, il est né d’elle « pour nous et pour notre salut ».

Prière

 

Que la Vierge Marie, Mère de Dieu, aide les chrétiens à approfondir leur foi en la vérité de l’incarnation du Fils du Père.

 

Contemplation

Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce,
le Seigneur est avec toi,
tu es bénie entre toutes les femmes
et béni le fruit de ton sein,
Jésus,
- né du Père avant les siècles
- engendré non pas créé
- engendré par le Père en son humanité dans ton sein
- Conçu du Saint-Esprit source de toute vie
- né de toi, Vierge Marie
- Fils de Joseph par adoption
- notre Sauveur
- vrai Dieu et vrai homme
- Verbe fait chair pour nous et pour notre salut
- venu pour faire la volonté du Père.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
prie pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort
AMEN.

 

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